Le processus de médiation stricto sensu[1]
Les différentes étapes du processus de médiation du plus petit commun dénominateur jusqu’au terme de la médiation
Le plus petit commun dénominateur
Tout processus de médiation devrait comprendre au minimum un exposé introductif du médiateur, la signature d’un protocole de médiation (qui est, en quelque sorte, la « feuille de route contractuelle » de la médiation)[2], l’exposé des faits[3], une ou plusieurs séances plénières[4], voire un ou plusieurs caucus (en principe confidentiels)[5]. Chaque médiateur étant garant du cadre de la médiation, il lui appartient de gérer et d’adapter ce dernier au cas d’espèce afin d’établir, de rétablir ou de faciliter la communication entre parties[6].
Les intérêts et les besoins
Une fois les faits relatés, le médiateur doit amener les parties à distinguer, d’une part, les personnes et les problèmes litigieux et, d’autre part, les positions défendues et les intérêts qui sous-tendent ces positions[7], et ce afin de jeter les bases d’une négociation raisonnée (fondée sur des critères objectifs). Dans la phase du processus de médiation dite des options, le médiateur incitera les parties à proposer un ensemble de solutions au différend. Il n’appartient pas au médiateur de donner son avis sur un point précis du différend, excepté si la demande émane de toutes les parties et si elles ont indiqué expressément qu’elles n’attribueraient aucune conséquence juridique à cet avis[8]. De même, le médiateur ne peut s’ériger en inventeur de solutions, car en pareil cas il s’exposera à la critique[9].
Les négociations
S’ensuivront de véritables négociations durant lesquelles le médiateur ne devra en aucun cas laisser transparaître la solution qui a sa préférence. A l’inverse, il doit s’assurer que « chaque partie connaît et comprend les conséquences des solutions proposées »[10] et inciter « les parties à prendre leurs décisions sur (la) base de toutes informations utiles et, le cas échéant, éclairées par des experts externes »[11].
La fin du processus de médiation
En l’absence d’accord
Le processus de médiation est susceptible de prendre fin à tout moment à la demande de l’une des parties, sans que cela puisse lui porter préjudice[12]. Le médiateur peut également décider de mettre un terme à son intervention, spécialement s’il estime qu’il ne peut plus mener sa mission à bien[13].
L’accord, sa formalisation et sa légalité
Lorsqu’un accord, réglant tout ou partie des questions litigieuses, est conclu, il faut le formaliser. La rédaction complète de l’accord avec l’aide des conseils, habituellement en séance, a notre préférence. Le cas échéant, l’accord sera formalisé en tout ou en partie entre plusieurs séances de médiation[14]. En toute hypothèse, le médiateur veillera à s’assurer que l’accord reprenne tous les points de négociation sur la base desquels il a été conclu et qu’il « soit le reflet fidèle de la volonté des parties »[15], ainsi qu’à informer les parties des conséquences de la signature de l’accord, en attirant leur attention sur le fait que seuls les accords conformes à l’ordre public[16], et aux règles impératives[17], pourront être homologués[18].
Prévenir tout éventuel non-respect de l’accord de médiation
Afin d’anticiper tout éventuel non-respect de l’accord de médiation, il est préférable d’y inclure une ou plusieurs clauses pénales. Dès l’instant où les parties concluent, en principe, un accord de médiation dans le but de le mettre en œuvre, l’on voit mal ce qui justifierait d’exclure une éventuelle sanction financière en cas de non-respect de celui-ci. Autrement dit, si l’accord est parfaitement exécuté, la clause pénale demeurera purement théorique. À l’inverse, si l’accord est violé, en tout ou en partie, la clause pénale pourra se révéler très utile.
Notes de bas de page
Première partie
[1] En ce qui concerne les spécificités des médiations judiciaires (notamment l’acceptation de sa mission par le médiateur agréé), voy. C. jud., art. 1735 à 1737.
[2] Le protocole de médiation est un contrat écrit, dûment daté et signé par toutes les parties, qui contient un certain nombre d’informations et de mentions, et prévoit les modalités d’organisation de la médiation, ainsi que la durée du processus. Voy. C. jud., art. 1731, § 2, sur le contenu obligatoire du protocole de médiation qui doit être signé à l’occasion de toutes les médiations extrajudiciaires ou judiciaires, et ce au plus tard lors de la première séance. Les mentions devant figurer dans un tel protocole sont rappelées par l’art. 18 du Code de bonne conduite du médiateur agréé.
[3] En médiation civile et commerciale, il est d’usage que les parties à la médiation exposent personnellement les faits et non pas leur(s) conseil(s).
[4] Il est également d’usage, en médiation civile, que les parties, leur(s) conseil(s) et le médiateur agréé participent à toutes les séances plénières. Les tiers, notamment les experts éventuels, interviennent généralement ponctuellement. Sans préjudice de l’existence d’une certaine pratique sans le moindre fondement légal ou réglementaire, rien ne justifie d’ailleurs légalement ou objectivement que la participation des avocats aux séances de médiation familiale soit nécessairement exclue (P.-P. Renson, « La médiation est-elle vraiment moins aléatoire, plus rapide et moins chère qu’un procès ? », Forum de l’Immobilier, novembre 2016, pp. 3 à 5).
Deuxième partie
[5] Ce sont des entretiens, en principe confidentiels, entre le médiateur et l’une des parties, éventuellement accompagnée de son conseil, ou entre le médiateur et un ou plusieurs conseils.
[6] P.-P. Renson, La médiation civile et commerciale : comment éviter les aléas, le coût et la durée d’un procès, Louvain-La-Neuve, Anthemis, 2010, pp. 63-64.
[7] Sur ce sujet, voy. not. R. Fisher, W. Ury and B. Patton, Getting to yes – Negociating agreement without giving in, 2e éd., London, Random House Business Books, 1999.
[8] Voy. cependant Ph. Van Leynseele, , « Médiation “facilitative” ou “évaluative” : devons-nous changer de point de vue ? », J.T., 2014/31.
Troisième partie
[9] Certains auteurs ont jugé bon de souligner que le texte légal n’exclut pas que le médiateur suggère l’une ou l’autre solution valable, par exemple, sur le plan technique (P. Moreau, , « Conciliation et médiation en matière de copropriété », in X, La copropriété par appartements, Bruxelles, La Charte, 2008, pp. 297-351, spéc. p. 302, n° 3, note 25). Si ce constat est en tout point conforme au prescrit légal, il n’en demeure pas moins qu’il s’accommode très mal avec une pratique efficace de la médiation.
[10] Code de bonne conduite du médiateur agréé, art. 20, al. 2.
[11] Code de bonne conduite du médiateur agréé, art. 20, al. 2.
[12] C. jud., art. 1729. Soulignons que le juge peut décider la fin d’une médiation judiciaire avant le terme fixé, à la demande de l’une des parties ou du médiateur (C. jud., art. 1735, § 3).
[13] Les hypothèses dans lesquelles le médiateur doit suspendre ou mettre un terme à son intervention sont énumérées par l’art. 23 du Code de bonne conduite du médiateur agréé. L’article 2.19 du Code de déontologie d’AVOCATS.BE (M.B., 17 janvier 2013) traite également de la problématique de la suspension et de l’interruption de la médiation.
Quatrième partie
[14] Cette manière de procéder génère souvent de nouvelles tensions entre parties, raison pour laquelle nous privilégions autant que possible la rédaction de l’accord en séance, c’est-à-dire en présence des parties et avec l’aide des conseils.
[15] Code de bonne conduite du médiateur agréé, art. 21, al. 2.
[16] En matière familiale, la conformité à l’intérêt des enfants mineurs est aussi requise.
[17] Lorsque la nullité est relative, l’accord de médiation devrait pouvoir être homologué à tout le moins en cas de « confirmation préalable en connaissance de cause » (P. Moreau, loc. cit., pp. 342-343, n° 40).
[18] Code de bonne conduite du médiateur agréé, art. 21, al. 3. Quant à l’information relative aux conséquences de la signature de l’accord de médiation, voy. égal. Code de déontologie d’AVOCATS.BE, art. 2.18. L’art. 2.17 in fine du même Code prévoit, par ailleurs, que les avocats médiateurs doivent veiller au respect tant des règles d’ordre public que de la législation.