Contrôle de qualité
Les exigences de qualité, européennes et belges, auxquelles doivent répondre les médiateurs. Contrôle de qualité : situation actuelle et vision prospective
Avoir une certaine pratique de la médiation n’est pas une garantie absolue de qualité
Certains médiateurs agréés interviennent assez régulièrement en médiation, par exemple grâce à divers systèmes de permanences de désignation, alors même qu’ils ne présentent pas le savoir, le savoir-faire et le savoir-être requis. C’est pourquoi il faut améliorer le contrôle de qualité.
Cas concret
Certains médiateurs pratiquent, à tort, comme des conciliateurs
Quel ne fut pas notre surprise d’être encore confronté en 2016 à un médiateur agréé qui gérait le processus de médiation comme une simple conciliation. Au rang de ses multiples erreurs figurait notamment l’entame d’une séance de médiation avant l’arrivée d’un conseil, une qualification juridique erronée du résumé succinct du différend tel qu’exposé, une lacune quant à l’exploration des intérêts des parties, la formulation de questions de nature juridique dans le cadre d’un aparté, l’organisation de négociations par le biais d’apartés épistolaires sur la base d’une offre unique émise par l’une des parties alors que l’autre partie avait laissé transparaître le besoin de communications directes dans le cadre des négociations, une réaction épistolaire inappropriée à la demande du conseil d’une des parties l’invitant à revoir la gestion du cadre, puis un silence persistant en lieu et place d’une décision claire et précise quant à une éventuelle poursuite de sa mission[1].
Faire comprendre que l’on s’écarte des bonnes pratiques n’est pas chose aisée
On le sait, il n’est pas aisé pour un conseil expérimenté en médiation de faire comprendre à l’un de ses confrères que l’on s’écarte des bonnes pratiques. C’est d’autant plus vrai si ce dernier n’a jamais pratiqué en présence d’autres médiateurs agréés. Dans ce cadre, il nous est arrivé d’entendre que peu importait le nom du processus et la manière de le gérer, l’essentiel étant d’avoir une solution qui devrait, le cas échéant, être imposée par un avocat à son client. Ce qui est aux antipodes de la médiation ! Ainsi, faut-il vraiment rappeler que la médiation n’a pas pour but premier de conclure à tout prix un accord réglant tous les points en litige ?
La directive européenne du 21 mai 2008
Champ d’application et exigences
La circonstance que certains médiateurs pratiquent fréquemment la médiation ne donne pas de garantie absolue quant à la qualité de leur intervention. D’autres éléments peuvent, en effet, entrer en ligne de compte de manière prépondérante dans le choix des parties en conflit. C’est donc très justement que la directive européenne qui porte sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale[2], du 21 mai 2008, met en exergue l’importance d’un contrôle de qualité efficace, celui-ci étant l’un des enjeux majeurs des années à venir.
Cette directive, qui est exclusivement applicable aux litiges transfrontaliers, prévoit que les États membres doivent encourager non seulement l’élaboration de codes de bonne conduite et l’adhésion à ces codes (tant par les médiateurs que par les divers organismes fournissant des services de médiation), mais aussi l’instauration « d’autres mécanismes efficaces de contrôle de la qualité relatifs à la fourniture de services de médiation »[3], et ce avant le 21 mai 2011[4]. Or, cette directive n’a toujours pas été formellement transposée en droit belge.
La Belgique
Situation actuelle
La Belgique dispose néanmoins d’un certain contrôle de qualité indirect, puisque chaque médiateur est tenu d’adresser spontanément la justification de ses heures de formation continue au secrétariat de la commission fédérale de médiation, sous peine de sanction. Faut-il en déduire que ces mesures assurent une transposition ponctuelle et adéquate de la directive européenne ? Il n’est pas aisé de répondre à cette question, principalement pour deux raisons. D’une part, le législateur communautaire ne précise pas ce qu’il convient d’entendre par « contrôle de qualité », ni d’ailleurs les instruments qu’il convient de mettre sur pied à cette fin, hormis le Code de bonne conduite. D’autre part, il est extrêmement délicat d’élaborer de tels instruments de contrôle de qualité.
Améliorations possibles
Recourir à des formulaires d’études de satisfaction
L’on pourrait certes imaginer de mettre à la disposition des parties concernées par la médiation des formulaires d’études de satisfaction. De tels formulaires sont à manier avec une certaine prudence, dans la mesure où la perception de la qualité d’un médiateur varie sensiblement selon les personnes interrogées. Par ailleurs, la pratique révèle que l’absence d’accord au terme du processus de médiation peut avoir un impact négatif sur l’appréciation de l’intervention du médiateur, alors qu’elle n’est pas synonyme d’échec si la communication entre parties a été (r)établie ou favorisée.
Établir des statistiques de réussite : une fausse bonne idée
Ce système existe déjà aux États-Unis. Cependant, il présente le risque d’inciter les médiateurs à privilégier la conclusion d’accords, au détriment de la communication entre parties et de la dimension humaine de la médiation.
Mettre sur pied des contrôles menés par des superviseurs désignés par l’État
Ce type de contrôle semble être la solution à préconiser. La qualité des services prestés par chaque médiateur pourrait de la sorte être évaluée concrètement. Pour être la plus représentative possible, cette évaluation devrait porter sur l’intervention du médiateur dans plusieurs dossiers. Ce qui risque d’être problématique car un certain nombre de médiateurs n’ont que très rarement, voire jamais, pratiqué. Ce type de contrôle pose également question sous l’angle de son financement.
Notes de bas de page
[1] P.-P. Renson, « La médiation : une question de survie pour les avocats ? », in, P.-P. Renson (coord.), Prescrire et intervenir en médiation, un nécessaire changement de mentalités ?, Bruxelles, Larcier, 2017, pp.
[2] Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, J.O.U.E., L. 136, pp. 3 à 8. L’inclusion du droit de la famille et du droit du travail dans le champ d’application de la directive pose question. À cet égard, voy. Th. Bombois et P.-P. Renson, « La directive du 21 mai 2008 ‘‘sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale’’ et sa transposition en droit belge », Revue européenne de droit de la consommation, 2009, pp.521 à 548.
[3] Directive 2008/52/CE, art. 4.
[4] Directive 2008/52/CE, art. 12, § 1.